La cheffe Béatrice Fabignon est l'une des principales ambassadrices de la cuisine des outre-mer français, de la Martinique à la Guadeloupe, en passant par la Guyane, La Réunion et Tahiti. Une autodidacte qui a appris le métier en observant ses parents antillais aux fourneaux. Rencontre avec cette passionnée qui, en plus de mitonner les meilleures recettes de colombos et accras de morue, est à l'origine du trophée des arts de la table des outre-mer.
Vous êtes devenue cheffe sur le tard, sans aucune formation. Où avez-vous appris à cuisiner ?
En famille. Dans mon enfance, les oncles, tantes et cousins se réunissaient tous les dimanches, chez les uns ou chez les autres, pour le déjeuner. On était facilement dix ou douze autour de la table et on y passait la journée. Chez les Antillais, quand on prépare un repas, on s'y met la veille. Et même parfois l'avant-veille. Et on ne fait pas les choses à moitié. On cuisine plusieurs entrées, un plat de viande et un autre de poisson, des desserts. Et tout le monde s'y met. Moi, j'ai toujours adoré ces moments. En plus, je suis très gourmande...
Vous êtes une ambassadrice de la cuisine ultramarine. Comment la définiriez-vous ?
C'est une cuisine qui prend du temps, qui est réfléchi et fait la part belle aux assaisonnements. En outre-mer, on n'achète pas une escalope de poulet pour la faire cuire directement, en la sortant de son emballage. Nous, la viande, on la fait macérer la veille avec des épices, pour que le goût pénètre à l'intérieur. Et on la fait cuire avec un oignon, de l'ail, du persil. Bref, on la chouchoute !
Est-ce une cuisine qui a toujours recours aux épices?
Oui, c'est une cuisine épicée. Mais pas piquante. Quand vous utilisez de la cardamome ou des clous de girofle, vous donnez du goût, des saveurs incroyables à vos plats. Mais vous n'avez pas la bouche en feu en les mangeant ! En métropole, on confond souvent épices et piments forts.
Quel est le plat que vous aimez le plus cuisiner ?
Tous ! Je n'ai pas de recette fétiche. J'aime autant préparer un colombo de porc, un cari que des fricassés ou des dombrés. Vous savez, ces petites boulettes faites avec de la farine, de l'eau, du sel et un peu d'huile, qu'on fait cuire dans un consommé de haricots rouges ou de lentilles. Mais c'est vrai qu'il y a des recettes qui mettent tout le monde d'accord. Les accras, par exemple, ou le poisson cru à la tahitienne. Le boudin noir, aussi, a beaucoup de succès. Mais pour le préparer, c'est très très long. Il faut compter une journée complète de travail.
Quand vous êtes derrière les fourneaux, suivez-vous scrupuleusement des recettes ?
Pas du tout, je cuisine à l'instinct, à l'intuition. Sans avoir en permanence les yeux braqués sur des fiches techniques. Mais aux Antilles, tout le monde fait ça. La plupart des Ultramarins ont plein de livres de recettes, avec des couvertures plastifiées, bien rangés dans leurs armoires. Mais ils ne les sortent jamais, ou presque. Mais ça ne veut pas dire qu'ils cuisinent au hasard. Juste qu'ils ont le savoir-faire, les quantités et les ingrédients dans la tête. Actuellement, je mets la dernière main à un supplément pour le quotidien France-Antilles, qui sortira pour les fêtes de fin d'année. Finalement, moi qui déteste les fiches techniques, j'écris des recettes pour les autres !
Vous avez lancé le premier trophée caribéen des arts de la table. En quoi consiste ce concours ?
Dans les outre-mer, il y a déjà plusieurs concours de cuisine. Mais il manquait un événement pour promouvoir les métiers du service en salle, pourtant essentiels. Lorsque vous allez au restaurant, il faut que ce soit bon dans l'assiette. Mais aussi que le service soit à la hauteur ! L'ambition des "Trophées des Arts de la table", c'est de mettre en lumière à la fois des jeunes en formation et des professionnels confirmés. Le concours comporte sept épreuves : l'accueil, le dressage d'une table, la découpe de volaille en salle, la réalisation d'un cocktail, le carafage de champagne, le dressing floral et la préparation d'une assiette de fruits exotiques.
À quel endroit a lieu le Trophées des Arts de la table ("Table Art Trophy")?
Il s’agit d’un concours itinérant pour les outremers. Tous les lauréats – élèves en formation et professionnels confirmés – se retrouveront ensuite pour une grande finale à Paris.
Par Rédaction France.fr
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