Les Zigotos, gardiens des doris de Saint-Pierre-et-Miquelon

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Les Zigotos et leur doris, à Saint-Pierre-et-Miquelon
© Madame Oreille - Les Zigotos et leur doris, à Saint-Pierre-et-Miquelon

Temps de lecture: 0 minPublié le 27 février 2024

À la fin du 19ème siècle, âge d'or de la pêche à la morue, on dénombrait plus de 500 canots traditionnels à Saint-Pierre-et-Miquelon : les doris. Les chalutiers ont aujourd'hui remplacé ces petites embarcations en bois, mais quelques passionnés perpétuent l'héritage.

Il pleut des cordes ce matin-là. Gilles et Stéphane viennent de rentrer de 48 h de pêche à bord du Cap Percé. On discute tandis que le jour se lève peu à peu, laissant apparaître la ville de Saint-Pierre, plongée dans la brume.

Les deux frères sont des descendants d'acadiens. Ils ont grandi ici, dans l'archipel, entourés de marins. Lorsqu'ils étaient petits, il n'était pas rare que leur mère débarque à l'école : la pêche ne pouvait pas attendre ! Ils promettaient à l'instituteur de faire leurs devoirs à la maison et filaient pêcher le capelan avec toute la famille, à bord des doris.

Une poignée d'irréductibles perpétuent la tradition

Le doris est le bateau traditionnel de Saint-Pierre-et-Miquelon, sorte de déclinaison de la pirogue américaine. Les pêcheurs ont depuis délaissé ces embarcations pour des bateaux plus modernes. Mais, à Saint-Pierre, une poignée d’irréductibles continue de perpétuer la tradition.

On les appelle les Zigotos, du nom de l'association qu'ils ont créée il y a plus de 30 ans. Gilles en parle avec des étoiles dans les yeux, fier du patrimoine de l'archipel.

Les Zigotos, à Saint-Pierre-et-Miquelon
© Madame Oreille - Les Zigotos, à Saint-Pierre-et-Miquelon

Quelques heures plus tard, je retrouve Gilles à la saline n° 20. En fin de journée, ces hangars colorés sont le lieu de rendez-vous des Zigotos. Les soirs d'été, ils sont ainsi toute une bande à se retrouver ici. Il y a ceux qui viennent ramer, et puis ceux qui viennent papoter, car les Zigotos, c'est aussi un bon moyen pour créer du lien social.

Des grandes heures de la pêche jusqu'aux courses folles

La première saline a été convertie en petit musée. Ici s'affichent les rames et les moteurs qui racontent l'histoire du bateau traditionnel, des grandes heures de la pêche à la morue jusqu'aux courses folles où les rameurs rejoignent Langlade ou même Terre-Neuve à la force des bras.

Juste à côté, deux femmes commencent d'éplucher des pommes de terre. Elles préparent le repas du soir. Tout le monde mangera ensemble, à la même table, après la sortie en mer. D'ailleurs, sur les 80 adhérents, peu viennent vraiment pour ramer : le plaisir est ailleurs dans l'échange.

Derrière les deux cuisinières, quelques outils de pêche ornent le mur. S'ils ne sont plus utilisés par les pêcheurs professionnels, les passionnés de l'association continuent d'utiliser ces lignes et ces leurres traditionnels pour attraper les cabillauds qu'ils mangeront ensemble.

Rien n'est droit sur un doris

Assis sur le côté, Robert contemple les doris. À la retraite, il consacre une partie de son temps libre aux Zigotos. Il ne va plus en mer : son plaisir à lui, c'est l'atelier. Car les Zigotos ne se contentent pas de filer sur l'eau dans leurs embarcations, ils perpétuent la tradition jusque dans la fabrication de nouveaux doris.

Il existe plusieurs versions de l'embarcation en bois, de différentes tailles, selon le nombre de rameurs, mais toutes ont en commun une difficulté : rien n'est droit sur un doris. Chaque planche est courbe, suivant les lignes arrondies du bateau.

Doris de Saint-Pierre-et-Miquelon
© Madame Oreille - Doris de Saint-Pierre-et-Miquelon

Les rameurs du jour arrivent peu à peu. Il y a tous les âges. L'adolescente, fille et petite-fille de pêcheur, qui se pavane devant ses copines parce qu'aujourd'hui, elle va tenir la barre pour la première fois. La trentenaire parisienne, venue pour quelques mois en mission dans l'archipel, qui a trouvé chez les Zigotos une salle de sport au grand air et une nouvelle famille. La banquière quadragénaire et le prof à la retraite venus profiter de la belle météo.

Tout le monde se regroupe autour de Jean-Marc. C'est lui qui a initié le mouvement des Zigotos et qui, aujourd'hui encore, supervise les sorties. Les Zigotos mettent un doris à 6 places à l'eau. Trois paires de rameurs et une personne qui tient la barre.

Je suis Gilles à bord d'un second doris, à moteur celui-ci. Les rameurs s'élancent jusqu'au port de Saint-Pierre. Ce n'est pas un exercice aisé : il faut se synchroniser, à six !

La mer est parfaite ce soir, pas une vague. L'air est doux. Le soleil caresse les visages. C'est probablement l'une des dernières sorties en mer des Zigotos avant l'hiver. Tout le monde sourit. Après un tour dans le port, nous reprenons la direction des salines en longeant l'île aux Marins.

Des souvenirs d'enfance qu'ils partagent avec les visiteurs

La moitié des rameurs a grandi ici, dans l'archipel, et pourtant, ils semblent ne pas se lasser de ces îles et de leurs maisons colorées. On ressent l'attachement profond de toutes les générations au patrimoine et à l'histoire de Saint-Pierre-et-Miquelon.

L'été, les Zigotos proposent aux touristes d'embarquer avec eux pour des visites en doris. C'est bien moins rapide qu'en Zodiac, mais l'important est ailleurs : ils partagent avec les visiteurs leurs souvenirs d'enfance ou les histoires de leurs grands-parents, dans ce petit bout de France d'Amérique du Nord.


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Par Rédaction France.fr

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