Depuis 2018, Masami Lavault fait pousser des dizaines de variétés de fleurs, dans un champ en pleine terre jouxtant le cimetière de Belleville : la première ferme florale de Paris ! Rencontre avec cette Parisienne de naissance, qui aime la vie au grand air et contribue à la végétalisation de la capitale.
Cultiver des fleurs dans un champ à Paris, ce n'est pas très courant…
Masami Lavault : Je suis la première dans toute la capitale à faire pousser des fleurs en pleine terre ! Le terrain fait 1200 mètres carrés, il appartient à la mairie de Paris qui me l'a loué en 2016 pour 10 ans, dans le cadre de l'appel à projets Parisculteurs. Je partage les lieux avec deux associations : une pépinière de quartier et une structure qui favorise l'insertion grâce à des chantiers d'espaces verts.
Les fleurs se plaisent-elles en ville, ou vivent-elles mieux à la campagne ?
Masami Lavault : Mes fleurs sont très heureuses ici, dans le 20e arrondissement de Paris, à deux pas du cimetière de Belleville. C'est plutôt moi qui dois m'adapter à cet environnement urbain. Il faut tenir compte des immeubles autour, qui peuvent modifier l'ensoleillement. Et il y a aussi des tourbillons d'air froid sur le côté ouest, car le terrain est juste au pied d'un énorme réservoir d'eau avec un haut mur en pierre. Pour établir un plan de plantation, ici, c'est un vrai casse-tête.
Quelles variétés de fleurs peut-on cultiver à Paris ?
Masami Lavault : Toutes celles qui supportent un climat tempéré. Il peut faire jusqu'à -10°C pendant l'hiver, et +42°C au cours de l'été. Je sème donc toute l'année, en tenant compte des amplitudes de température, des particularités des différentes zones du terrain. Les possibilités sont immenses, à condition de faire un très gros travail de planification en amont. Cette année, je vais cultiver plus de 80 variétés et espèces différentes. Des tulipes, des dahlias, des roses, de la menthe, du basilique, des haricots d'ornement… Et même des adventices, des mauvaises herbes qui peuvent donner de très belles fleurs.
À qui vendez-vous votre production?
Masami Lavault : À des fleuristes des environs, que je livre en vélo. Ils trouvent chez moi des fleurs commercialisées à Rungis, mais aussi des variétés rares, dont je tairai le nom pour garder mes petits secrets. Je vends aussi beaucoup à des particuliers, qui peuvent me contacter sur mon compte Instagram, pleinairparis. Plusieurs fois dans l'année, le samedi, ma ferme florale est aussi ouverte au public lors d'un marché aux fleurs. L'entrée se trouve au fond de l'allée principale du cimetière de Belleville, sur la droite. Les visiteurs choisissent leurs fleurs avec moi, et je les coupe devant eux. On ne peut pas faire plus frais ! Ils repartent avec leur bouquet, tenu par un simple élastique. Ici, pas d'emballage en plastique, de papier ni d'aluminium.
A-t-on besoin, à Paris, d'insecticides spéciaux pour combattre les petites bêtes ?
Masami Lavault : Absolument pas. Mes plantes ne sont pas labellisées bio, mais elles poussent sans le moindre produit chimique. Avant de m'installer ici, j'ai travaillé à l'étranger dans des fermes spécialisées en agriculture biodynamique. J'ai pu ramener d'Asie des souches de bactéries, que je cultive chez moi. Ces micro-organismes, j'en fais une sorte de cocktail, une solution probiotique pour le sol et la flore, que je diffuse dans le système d'irrigation.
Vous travailliez auparavant comme designer industriel à Londres. Quel changement de vie !
Masami Lavault : Ce métier n'avait pour moi aucun sens, il était en contradiction avec mes valeurs. Moi qui suis née à Paris, qui ai connu le salariat, je suis très heureuse de vivre aujourd'hui dehors, en plein air, libre. La nature, elle, n'est pas soumise, elle n'entend rien à la subordination. On a beau tout penser, tout planifier, les fleurs peuvent n'en faire qu'à leur tête. Il leur arrive de fleurir plus tard qu'à la date prévue. Ou de se choisir une autre couleur que celle attendue.
En savoir plus :
Les fleurs de Masami sur Instagram : Plein air Paris
Par Stéphane Béchaux
Journaliste défricheur. J'aime explorer les coulisses, les bas-côtés, les arrière-cours. Et faire parler les autres de leur métier, de leurs passions.