Laurent Faure est l'un des très rares maîtres vinaigriers français. Il a installé son atelier artisanal dans un vieux chai, dans son village natal près de Narbonne. Rencontre avec un passionné, qui cultive son propre raisin, mais s'approvisionne aussi auprès des vignerons du Languedoc.
Vous êtes issu d'une famille de vignerons de l'Aude et vous faites... du vinaigre. Quelle drôle d'idée!
Laurent Faure : C'est vrai que les vignerons ont un rapport au vinaigre assez compliqué. Et pourtant, le stade ultime du vin, c'est le vinaigre ! Les œnonologues doivent lutter en permanence contre les bactéries acétiques qui, naturellement, transforment le jus de raisin en vinaigre. Moi, je fais exactement l'inverse. Je passe mes journées à chouchouter les bactéries pour qu'elles puissent se développer, prospérer et faire leur grand œuvre. Dans l'Aude, certains vignerons produisent eux-mêmes quelques barriques de vinaigre pour leur consommation personnelle. Traditionnellement, on s'en sert pour accompagner le cassoulet ou le fréginat, un plat à base de haricots blancs et de morceaux de porc.
La France est-elle un pays de vinaigre ?
L.F. : Elle l'a été. Dans l'entre-deux-guerres, il y avait beaucoup de petits fabricants de vinaigre. Rien qu'autour d'Orléans, on en comptait 300. Le propre grand-père maternel de François Mitterrand, qui habitait à Jarnac, en Charentes, était vinaigrier. Mais le métier et le savoir-faire se sont perdus. Aujourd'hui, l'écrasante majorité du vinaigre consommé en France est produite de façon industrielle, par un procédé extrêmement efficace qui prend moins de 24 heures. Dans tout l'Hexagone, on doit être six ou sept à fabriquer du vinaigre réellement artisanal.
Vous êtes économiste statisticien de formation. Quel rapport avec ce métier de maitre vinaigrier ?
L.F. : Aucun ! Mes premiers essais de vinaigres, je les ai faits en 2009, alors que j'étais encore étudiant à l'Ensae Paristech. C'était plutôt concluant, d'après mes proches qui servaient de cobayes. Ma passion pour la viticulture et la gastronomie, mon envie de retourner chez moi, dans le Sud, ont fait le reste. En 2014, j'ai donc lancé mon atelier du vinaigre, Granhota. Il est situé dans un ancien chai à Coursan, mon village natal, près de Narbonne.
Vous possédez vos propres vignes. Votre vinaigre en est-il exclusivement issu ?
L.F. : Non, pas du tout. Pour les vinaigres de vin, je m'approvisionne auprès de vignerons du Languedoc, en choisissant des vins charpentés, avec un bon degré alcoolique, que je vais élever en fûts de chêne. Mes vignes, je les utilise uniquement pour le vinaigre balsamique. Car pour en fabriquer, il faut du jus de raisin non fermenté, qu'on vient de vendanger. Ce moût, on va le cuire très lentement pendant plusieurs jours pour concentrer les sucs. Puis le faire vieillir en fûts, sous des toits de tuiles chauffées par le soleil. C'est un processus de réduction lent : pour obtenir un litre de balsamique, il faut sept kilos de raisin. En Occitanie, toutes les conditions sont remplies pour faire d’excellents vinaigres. On a les vignes, et la chaleur.
Pour faire du vinaigre artisanal, il ne faut donc pas être pressé...
L.F.: Ah, ça, non ! Les bactéries acétiques ont besoin de chaleur pour travailler. Entre novembre et mars, lorsque la température tombe en dessous de 15°C, il ne se passe presque rien dans les fûts. L'été, en revanche, quand il fait plus de 40°C sous les toits, c'est une autre histoire. Les bactéries travaillent alors à un rythme frénétique et il faut goûter, analyser, faire des assemblages en permanence. Pour fabriquer des vinaigres de vin – aromatisé avec des fruits, des poivres rares, des épices, du safran des Corbières… –, il faut compter deux ans. Et pour le balsamique, il faut compter beaucoup plus. Jusqu'à douze ans, selon la recette ancestrale de Modène ! Pour l'instant, je commercialise un balsamique d'assemblage, issu uniquement du raisin, mais avec l'aide d'un vinaigre de vin. Pour le balsamique traditionnel 12 ans d'âge, il va encore falloir patienter un peu…
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Par Rédaction France.fr
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