Manger local, se régaler des produits du terroir, privilégier les circuits courts, l’agriculture raisonnée et suivre le cycle des saisons… L’air du temps est au « locavorisme ». Au pays de la gastronomie, les chefs français sont donc de plus en plus nombreux à adopter la recette. Pour cuisiner bon, sain et durable, fermes et potagers d’à côté n’ont jamais eu autant leur préférence. La preuve avec cette sélection gourmande, mitonnée à travers les belles régions de France.
Sapid, Ducasse par nature à Paris
Une cuisine terrestre, nomade et durable… Voilà résumée en trois qualificatifs l’ambition d’Alain Ducasse avec sa nouvelle adresse parisienne, rue de Paradis. En toute simplicité, à l’image des cagettes de victuailles en vitrine, Sapid se veut un restaurant « réfectoire », convivial et à prix doux. Le célèbre chef étoilé qui fit les beaux jours du Plaza Athénée y mise sur la « naturalité ». Dans les assiettes, sur les grandes tables partagées, légumes et céréales jouent les vedettes pour sublimer une cuisine de produits frais, aux saveurs originelles, et avec un faible impact environnemental. On vote pour… même s’il faut passer commande à une borne et débarrasser son plateau en fin de repas.
Le Braque, chasse et cueillette à Lille, dans les Hauts-de-France
Attendue de longue date, l’ouverture du Braque dans la capitale des Hauts-de-France a pris des allures d’évènement. Il faut dire que le premier restaurant du Top Chef Damien Laforce a de quoi allécher les papilles en promettant le bon goût de ses Flandres natales. Pâté croute chevreuil ou pithiviers de pigeonneau, la découverte de cette cuisine de chasse et de cueillette, rythmée par les saisons, interpelle mais ne déçoit pas ! Pour la petite histoire, le Braque, c’est Marcel, le chien de Damien, un fidèle compagnon de balade pour partir à la rencontre inspirante de la nature et des meilleurs producteurs et maraichers de la région.
Des Roses et des Orties, retour aux sources à Toulouse, en Occitanie
Pour Yannick Delpech, l’ancien chef de l’Amphitryon à Toulouse, c’est une nouvelle histoire qui a commencé en 2020. Finie la course aux étoiles ! Son nouveau restaurant Des Roses et des Orties à Colomiers, aux portes de la ville rose, se veut un retour aux sources. Pour ce fils d’agriculteur, nature et proximité, savoir-faire et culture raisonnée sont désormais le fil gourmand, avec l’objectif d’atteindre 100% de produits locaux dans les assiettes. Une expérience gastronomique de convivialité et de partage à savourer dans un lieu de vie où cohabitent un restaurant, un bar à cocktails « Chlorophylle », une pâtisserie ainsi qu’une cave à vin.
Enfin, et pourvu que cela dure à Barr, en Alsace
Raconter les saisons et l’Alsace comme une histoire, s’approvisionner au plus près du terroir dans les fermes, chez les vignerons et brasseurs alentours et ne s’autoriser que quelques digressions mais toujours avec une provenance française… Enfin est le nom de la Table farouchement bio et locavore de Carole Eckert et Lucas Engel qui ont remporté, sitôt ouverts, le titre de « Jeune Talent Grand Est 2021 » avant de décrocher une première étoile dans l'édition 2023 du guide Michelin. A quelques kilomètres de Strasbourg, sur la route du Mont Saint-Odile, il faut faire halte dans cette ancienne usine de pantoufles puis menuiserie, vieille bâtisse de pierre magnifiquement métamorphosée en un restaurant chaleureux et lumineux. Au menu, suivant l’inspiration et la saison, on se régale de gyosas de canard et choucroute, d’un barbeau du Rhin ou d’un omble chevalier comme un civet… Juste divins.
Maison nouvelle, comme à la maison à Bordeaux, en Nouvelle Aquitaine
Un restaurant étoilé comme une maison particulière dans un bel immeuble de pierres blondes, où l’on sonne à la porte et où le chef, en personne, vous ouvre. Dans le charmant quartier des Chartrons à Bordeaux, Philippe Etchebest est un hôte attentionné qui promet de sublimer le meilleur du terroir du Sud-ouest, sa terre natale. Chez Maison nouvelle, le chef joue et se régale avec les talentueuses productions locales. Les pigeons de Marie Le Guen en Dordogne, les légumes de la ferme de Bagatelle ou la champignonnière de Mérignas en Gironde… Autant de références au service de plats mis en scène avec maestria.
Le Café Basque, plus vrai que nature à Biarritz, au Pays basque
Sur la place Bellevue, qui porte si bien son nom, le Café Basque invite à savourer une gastronomie de proximité dans la déco bleutée « bords de mer » signée Sarah Lavoine. Le chef Cédric Béchade y revisite avec respect et toujours une pointe de malice, les classiques de la cuisine basque, travaillant avec créativité les produits locaux et de saison des fermes alentour. Chipirons à l'encre, piperade, axoa de cochon Ibaïama ou tarte aux champignons de Madiran, à déguster accompagnés du pain du boulanger biarrot Arnaud Fernandez : le voyage gustatif enchante et dépayse. Tout comme le choix de la vaisselle faisant une large place aux créations de Goicoechea, la célèbre poterie du Pays basque.
L’Auberge sauvage, dans la baie du Mont Saint-Michel, en Normandie
Oh, le bel endroit que voilà ! Un ancien presbytère à Servon, à quelques encablures du Mont Saint-Michel, entre près vachers et prés salés. C’est le nouveau repaire gourmand et militant de Jessica Schein et Thomas Benady, deux « locavoristes » convaincus. Dans leur Auberge sauvage (où l’on peut aussi réserver une chambre), récompensée d'une Etoile Verte au Guide Michelin, ils donnent à leurs visiteurs une belle leçon de cuisine locale. Tout, absolument tout, provient de la baie et de ce terroir où l’herbe est riche et grasse, l’eau omniprésente et la terre féconde. De quoi mitonner un menu en 4, 6 ou 8 étapes, imaginé spontanément à partir de la pêche et de la récolte du jour…
Empreinte, courts circuits à Vannes, en Bretagne
Un restaurant de poche mais qui a déjà tout d’une grande Table, dans une jolie rue du centre historique de Vannes… A deux pas du Golfe du Morbihan, en Bretagne, Empreinte a pris ses marques profitant de son ancrage entre terre et mer pour affirmer son style locavore, validé par le guide Michelin avec une étoile verte. Derrière les fourneaux, Baptiste Fournier travaille des produits sourcés. Légumes, fruits, herbes, algues, fleurs sauvages, poissons, coquillages, viandes : pas d’approvisionnement au-delà de 30 kilomètres à la ronde pour ce chef qui prône une cuisine vivante et spontanée, minutieuse et respectueuse, simple et goûtue. On y revient car la carte change toutes les semaines. Sans esbroufe mais en laissant durablement son empreinte.
Le Cibo, si bon à Dijon, en Bourgogne
Plus jeune chef étoilé de France en 2016, Angelo Ferrigno est un passionné de gastronomie. Il aime aussi relever les défis, comme celui de limiter au quotidien son rayon d’approvisionnement à 200 kilomètres pour le plaisir du partage des bons produits locaux. Au cœur de Dijon, c’est au sein d’une belle bâtisse en pierres de Bourgogne du XVIIe siècle qu’il a posé ses fourneaux, prenant le temps de peaufiner le décor épuré et contemporain ainsi que l’approche locavore engagée. Un menu unique, renouvelé au fil des jours et des saisons met en avant le talent de producteurs et d’éleveurs devenus de fidèles et indispensables compagnons en cuisine.
Gwaien, toutes voiles dehors à Nantes, dans les Pays de la Loire
Un restaurant de produits frais, locaux (Vendée, Maine et Loire, Bretagne, Loire Atlantique…) et de saison… Tout est dit mais il faut ajouter qu’avec Gwaien c’est aussi un bout du cap Sizun, à la pointe extrême du Finistère, qui a jeté l’ancre à Nantes. A quelques encablures du marché de Talensac, Jeremy Guivarch et son équipe mixent donc terre et mer, iode et végétal avec un faible pour le poisson, toujours issu de la pêche responsable, sans toutefois exclure la viande. La carte est courte mais c’est un gage de proximité, de spontanéité et de sincérité. On aime !
Rustique, cuisine paysanne à Lyon, en Auvergne-Rhône Alpes
« Ma cuisine est comme la vie paysanne, brute et généreuse marquée par la puissance du feu de bois et la fraîcheur végétale ». Ainsi parle Maxime Laurenson, le chef auvergnat pur jus - une étoile Michelin - qui après avoir fait ses armes chez Loiseau Rive Gauche à Paris mitonne sans chichi mais avec une fougue revigorante ses bons petits plats chez Rustique, au cœur de la presqu’île de Lyon. Le menu unique, jusqu’à 10 plats, fait la part belle au meilleur de la région, de l'Auvergne aux Alpes. Et c’est dans un décor nature (pierres apparentes, parquet en chêne, tables en noyer), qu’on déguste dans la bonne humeur une déclinaison de lentilles du Puy (en chips, en mousse, en petit salé…), des escargots savoyards, un silure des étangs de Bresse ou une truite d’Isère et sa délicate purée d’oseille. Vous avez dit rustique ?
Fleur de Loire, à Blois, dans le Val de Loire
Christophe Hay est un passionné de cuisine végétale et de légumes anciens. Le chef deux étoiles au Michelin aimait à les faire découvrir à La Maison d’à Côté, son beau et bon restaurant du Val de Loire, près du château de Chambord. C'est désormais à Blois que le chef officie au sein du restaurant qui porte son nom. La nouvelle table gastronomique, déjà auréolée de deux étoiles Michelin et d'une étoile verte met dans les assiettes les goûteux trésors d’un potager d’un hectare en permaculture. De la fourche à la fourchette, il n’y a plus que quelques kilomètres et le talent d’un chef hors pair. On y court !
Racines, le tout légumes à Nice, sur la Côte d’Azur
Et de trois ! Après l’Hostellerie Jérôme, deux étoiles au Michelin et Le Café de la Fontaine l’un et l’autre à La Turbie, dans l’arrière-pays azuréen, Bruno Cirino et son épouse Marion ont pris « Racines » à Nice. Une table qui célèbre avec une sacrée main verte les légumes et tous les produits issus de la terre. Chaque jour, le chef fait son marché chez ses producteurs locaux. A deux pas de la Halle de la Gare du Sud et du marché de la Libération, le restaurant « tout légumes » joue avec inventivité la carte du potager et ça dépote ! Car il y a toujours un jus, une sauce ou un bouillon pour sublimer artichauts, févettes, brocolettis, topinambours et autre petits pois gourmands de la région.
Le petit Matieu, le sens du partage à Ajaccio, en Corse
Initialement installé à Paris, le Petit Matieu a pris ses quartiers sur l’île de beauté et Ajaccio y a gagné une adresse gourmande placée sous le signe de la convivialité et du partage. Dans ce petit cocon, la carte du midi change tous les jours, inspirée par le passage au marché et le rythme des saisons. Produits frais, air du temps, inspirations méditerranéennes et recettes de grand-mère… Mathieu Gontier sait aussi jouer de ses origines corses pour varier les plaisirs gustatifs. Figatelli par ci, brocciu par-là, beignets de courgettes ou cannelloni de veau made in Corsica, les petits plats ont vite fait de prendre le maquis et ses saveurs. Décontractée, l’ambiance bistro convient bien aussi aux soirées festives et musicales autour d’apéritifs dinatoires faisant la part belle aux pépites des petits producteurs de l’île.
Hododa, la cantine végétale de Marseille, en Provence
Labélisée Ecotable, Hododa est une adresse écoresponsable à tester au cœur du charmant quartier du Panier, à Marseille. Véritable cantine végétale, gourmands et amateurs du bien manger viennent à toute heure de la journée déguster des produits issus quasi exclusivement de l'agriculture biologique : omelette » végétale avec légumes de saison et beurre végétal maison au petit déjeuner, Rösti avec tagliatelles de courgettes, tomates cerises confites et micro-pousses de roquette au déjeuner... Et parce que le véganisme ne se limite pas à l'alimentation, Arthur et Rachel, les deux fondateurs du restaurant proposent aussi des workshops, cours de yoga et ateliers de céramique. Une pause saine et gustative pour se ressourcer lors d'un séjour en Provence.
Par Pascale Filliâtre
Journaliste-voyageuse. Je suis souvent allée au bout du monde chercher ce que la France offre… juste à côté. filliatre.pascale@orange.fr