Faire pousser des légumes bio et fournir les locavores de Paris, c'est l'idée de Jean-Noël Gertz, cofondateur de Cycloponics. L'entreprise agricole durable a transformé un parking parisien en ferme urbaine spécialiste des champignons et des endives bio. Parmi ses projets, l'ouverture d'autres fermes souterraines à Bordeaux, Lyon et Lille. Entretien.
Vous faites pousser des champignons et des endives bio dans un parking. Drôle d'endroit !
Jean-Noël Gertz : Notre lieu de production, qui s'appelle La Caverne, est effectivement assez original. Faire de l'agriculture au deuxième sous-sol d'un parking, à quelques centaines de mètres du boulevard périphérique, ça n'est pas très courant. Mais, c'est un emplacement idéal pour cultiver et vendre des légumes. Ici, la température est assez constante, entre 10 °C et 21 °C selon les saisons. Et l'espace ne manque pas puisqu'il y a 9 100 mètres carrés à disposition. Rien que cette semaine, on a produit 3 tonnes d'endives et 1 tonne de pleurotes et de shiitakés, une sorte de cèpe japonais. On cultive aussi des micropousses et on va se lancer dans le basilic. Avec mon associé, on a aussi en projet de produire des champignons de... Paris.
Peut-on faire de l'agriculture de qualité dans les sous-sols de Paris ?
J-N. G : Absolument. Ce parking a été totalement nettoyé avant qu'on s'y installe, en 2017, dans le cadre de l'appel à projet Les Parisculteurs. Le lieu est parfaitement sain, et l'air aussi. La preuve, c'est que nos champignons et endives sont certifiés "agriculture biologique". Les clients de Cycloponics, ce sont essentiellement des magasins bio de Paris. Pour les livrer, on fait appel à une vingtaine de "cyclologisticiens", qui se déplacent à vélo. Pour les trajets les plus longs, on utilise quand même une voiture, mais électrique.
Des fermes urbaines souterraines comme la vôtre, on pourrait les multiplier…
J-N. G : En théorie, oui. Rien qu'à Paris, on a construit environ 6 millions de mètres carrés de parking, soit 600 hectares. Et comme de plus en plus de Parisiens renoncent à la voiture, la surface potentielle est énorme. Mais, sur un plan économique, ça ne tient pas. Faire pousser des patates ou des carottes dans la capitale, ça ne peut pas être rentable. En revanche, on peut développer le concept ailleurs, dans d'autres villes françaises ou européennes. L'aventure Cycloponics n'a d'ailleurs pas commencé à Paris, mais à Strasbourg, dans une ancienne poudrière du XVIIIᵉ siècle. Et on a des projets avancés d'ouverture de fermes urbaines souterraines à Bordeaux, Lyon et Lille.
Dans des parkings, on peut aussi faire autre chose que de l'agriculture !
J-N. G : Bien sûr. D'ailleurs, on s'y emploie. À Paris, on utilise actuellement 3 500 mètres carrés pour notre propre production, et on en loue 500 à d'autres entreprises. On fait du fermage urbain, en quelque sorte. Dans le parking, vous trouverez une entreprise qui conditionne du miel, une autre qui livre des repas à des entreprises sans cantine, une troisième qui produit des micropousses. Et on peut intéresser plein d'autres acteurs, notamment ceux qui ont besoin de faire du stockage en chambre froide. Notre projet, c'est de créer un écosystème autour des thématiques de l'alimentation et de la ville de demain.
Le grand public peut-il visiter La Caverne ?
J-N. G : Hélas, non. Car le lieu n'est pas autorisé à recevoir du public. Vous ne pourrez donc pas voir nos endives pousser dans le noir ni nos pleurotes sortir des bottes de paille sur lesquelles on les cultive. Mais, vous pouvez visiter le premier magasin de producteurs de Paris, dont nous faisons partie, et qui vient tout juste d'ouvrir ses portes. C'est au 168 boulevard de Charonne, en bordure du cimetière du Père Lachaise.
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Par Stéphane Béchaux
Journaliste défricheur. J'aime explorer les coulisses, les bas-côtés, les arrière-cours. Et faire parler les autres de leur métier, de leurs passions.