Safran, champignons, tomates ou encore micro-pousses trouvent dans la capitale un terroir de choix. Fermes urbaines nichées sur les toits et potagers partagés régalent les amateurs de fruits et légumes sans transport ni pesticides. Découvrez la ville autrement, en visitant quelques-uns de ces verts paradis qui associent nature et haute technologie.
Du safran sur les toits
Le safran, l’épice la plus chère au monde, vient des pistils du crocus sativus. Cette ravissante fleur violette éclot en octobre sur cinq toits du Grand Paris. Elle est cultivée par les "Bien Elevées", quatre sœurs qui ouvrent à la visite leurs prairies d’altitude. Posée au sommet d’un lycée hôtelier avec vue sur la tour Montparnasse, celle de l’avenue Raspail se révèle spectaculaire pendant la floraison. Les visiteurs peuvent aider en cueillant quelques filaments. La découverte est également magnifique quand les terrasses verdoient ou sont en jachère. Elle s’accompagne d’une gourmandise : Ladurée utilise "le safran de Paris" pour son nouveau macaron. En 2019, les toits parisiens ont fourni 700 grammes de safran, les Français en consomment 40 kilos par an : le marché existe ! Grâce à leur travail, les Bien Élevées ont reçu le Label "Efficient Solutions" délivré par la Solar Impulse Fondation en avril 2020 puis le prix d'agriculture urbaine de la ville de Paris 2020 dans la catégorie "réplicable". Le safran et les sirops de safran les Bien Elevées bénéficient par ailleurs du label régional "Produit en Île de France. L'intensité aromatique si importante pour le safran est également reconnu par le Collège culinaire de France et la communauté Ecotable.
Les bons plants de l’Est parisien
Le chic parisien, c’est récolter soi-même ses graines, pour des semis qui respectent la diversité. "Enfouir des plants stériles dans de la tourbière importée n’est plus de saison", explique Amélie Anache de Pépins Production. Si l’on ne possède pas sa plate-bande dans un des jardins partagés, pas de regret. Pépins Production accueille les petites mains bénévoles les vendredis et samedis dans la pépinière de Chanzy dans le XIè, à Flore urbaine dans le XXè, mais également en collaboration avec les Jardiniers à vélo à la Maison du Mexique. À la sortie en pépinières ou dans les boutiques partenaires, on achète capucines, guimauve, pensée sauvage ou moutarde japonaise.
La ferme aquaponique d'Aubervilliers
A Aubervilliers, au milieu du parc d'affaires des Portes de Paris, existe un lieu de verdure dans lequel les fruits, les légumes et autres végétaux, évoluent en parfaite symbiose avec des truites sur 1 000 m². De quoi s'agit-il ? Simplement de la ferme urbaine Farmhouse d'Aubervilliers. Née de la collaboration du promoteur immobilier Icade et de la start-up Sous les fraises, cet écrin de nature utilise l'aquaponie et la permaculture verticale. La production est ensuite récoltée et servie par de nombreux restaurateurs engagés et privilégiant l'agriculture locale. Les artisans locaux, quant à eux, s'approvisionnent également pour créer ensuite leurs biscuits ou autres gourmandises. Entre végétalisation de la ville, culture sans pesticide et technique innovante, cette ferme urbaine se visite tous les mercredis et jeudis mais peut également devenir votre bout de jardin grâce à la location de parcelle. Une bonne occasion de s'initier à l'agriculture urbaine et de découvrir si vous avez la main verte.
La méga-ferme suspendue de la Porte de Versailles
La tour Eiffel scintille à quelques kilomètres, comme un point au-dessus des plants de tomates, des rideaux de choux et des bacs de fraises. Occupant 14 000 m² sur le toit du pavillon 6 du Parc des Expositions, la Ferme Nature Urbaine –NU Paris - constituera à terme la plus grande d’Europe ! Déjà, elle produit par jour 500 kilos de fruits et légumes : ils alimentent en partie le restaurant attenant, le Perchoir, et son immense terrasse poétique et déco. Pascal Hardy a mis au point un système vertueux, des colonnes sur lesquelles se clipsent les plants de chou kale ou de capucines et des gouttières pouvant accueillir des tomates ou haricots. Un circuit fermé et économe les alimente en eau : 1 m3 d’eau par an pour 52 plants. Le fondateur d’Agripolis veut "contribuer à la résilience environnementale et économique des villes". Une serre se prête à l’accueil événements.
La vigne de Versailles
À une demi-heure de Paris, la vigne refleurit sur le terrain de chasse historique des Rois de France. Lors de la visite du Domaine La Bouche Du Roi, on voit même flotter au-dessus des champs, à moins de 15 kilomètres, le Château de Versailles. Les trois jeunes associés de la Winerie Parisienne –qui gèrent un chai sur la tour Eiffel- ont replanté 23 hectares à la sortie du joli village de Davron. Attelage moderne, la visite se fait dans une carriole tirée par un 4x4 : leçon de taille à même les ceps, explication sur les cépages anciens et la culture biologique. Pendant les vendanges, les bonnes volontés et les bras sont acceptés ! La visite se termine par une dégustation accompagnée de produits des exploitations alentour. Avant de rentrer à la capitale, on remplit son panier à la célèbre Ferme de Gally, ou encore aux Deux Gourmands en passant par la Ferme de Grignon.
Les plantes sauvages du bois de Vincennes
Poser une mûre à l’intérieur d’une tendre feuille de tilleul et savourer : les cueillettes de plantes sauvages comestibles font un tabac... Même à Paris on peut se sustenter. Attention ! Quelques plantes sont toxiques. "Ne consommez que ce dont vous êtes sûrs à 300 %" recommande Christophe de Hody de l’association Le Chemin de la nature. Il guide chaque semaine dans le bois de Vincennes et les Buttes-Chaumont les curieux parmi 500 espèces de plantes. On découvre avec lui l’orge des rats, l’ortie, le prunier mirobolant et toutes ces plantes bourrées de protéines qui ont nourri l’humanité bien avant qu’existe Lutèce.
Les micro-pousses de la Porte de la Chapelle
Des centaines de barquettes, garnies de tendres feuilles vertes, patientent à l’ombre de huit anciens boxes pour voitures. Le 2e sous-sol du parking La Caverne, Porte de la Chapelle, offre un spectacle hélas inaccessible au public. Une seconde ferme se situe dans le 15ème arrondissement à Beaugrenelle. Ici dans une température oscillant entre 14 et 23° se développent à l’ombre une centaine d’espèces de plantes en version lilliputienne : hysope anisé, amarante, shizo, mitzuba japonais, tagette ou estragon mexicain... Riches en protéines, lipides, glucides, sels minéraux, le goût puissant des micro-pousses est apprécié par les chefs, et la jeune start-up Wesh Grow approvisionne plus de 250 tables dont celle du Plaza-Athénée. On trouve aussi ces barquettes pleines de peps chez Maison Plisson ou encore à La ruche qui dit oui des 18e et 20e arrondissements.
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Par Aliette de Crozet
Quand on est curieuse et gourmande, arpenter la France c’est du bon sens.